Les otages Louis DENIS, Marius ALLEGRET, Alexandre RIANT

Moulin des Roches à La Chapelle-Palluau fortifié par les allemands comme le moulin Caillon

APREMONT-MACHE 31 août et 1er septembre 1944

 

En juin 1944, près de 40.000 soldats allemands gardent les côtes de Vendée. Ce sont des troupes peu aguerries dont une majeure partie est appelée sur le front normand à la fin juillet. Le 17 août, face à la poussée des alliés, Hitler ordonne le repli de ses troupes vers les ports fortifiés de L’Atlantique et, faute de moyens de locomotion suffisants, le départ est long à se mettre en place. Les derniers éléments de la garnison allemande de Noirmoutier quittent l’île le 28 août pour La Rochelle-La Pallice où une poche de résistance est en cours de constitution.
Les résistants vendéens dont nombre de réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire), rassemblés au sein des FFI, (Les Forces Françaises de l’Intérieur), harcèlent l’ennemi pour retarder son regroupement. Dans le centre-ouest de la Vendée, de Saint Gilles Croix de Vie à Aizenay, le maquis C3, fort d’une centaine de résistants, opère sous le commandement du docteur Jean Cristau, médecin à la villa Notre Dame à Saint Gilles Croix de Vie. Les armes manquent, il faut attendre celles venues des parachutages ou aller les chercher chez l’occupant.
Une vingtaine de ces hommes occupe le manoir de la Tuderrière à environ un kilomètre et demi du bourg d’Apremont. Le 19 août, une opération est engagée contre le moulin dit Caillon ou Ferré route de Challans à l’embranchement de la route de la Roussière. Les allemands ont remplacé la toiture par une terrasse fortifiée d’où une équipe de trois à cinq hommes observe la contrée jusqu’à la mer. Après avoir coupé la ligne téléphonique, les maquisards conduits par les frères Cristau désarment sans violence les soldats qui étaient allés se désaltérer au café Buet situé au carrefour de l’Espérance à une centaine de mètres de leur poste. Ne pouvant les garder prisonniers, les maquisards les relâchent après, selon les versions, avoir subtilisé leurs pantalons et/ou leurs bottes. Penauds, les soldats rejoignent leur unité cantonnée à l’Herbaudière sur l’île de Noirmoutier en abandonnant leurs armes, quatre cents cartouches et une caisse de grenades. Une aubaine pour les maquisards.

Plan réalisé par René Carsac (1931-2022) dans "Histoire d'Apremont"

A la fin du mois d’août, puisqu’il n’y a plus un seul allemand à Apremont, les maquisards sous la conduite du lieutenant Thomazeau et la population considèrent que la commune est libérée. Le drapeau tricolore est hissé sur la mairie et le portrait du maréchal Pétain brisé. L’instituteur public Amédée Chailloux, qui habite au premier étage de la mairie-école, orne l’une de ses fenêtres de drapeaux aux couleurs françaises, américaines et russes. La bannière nazie qui flotte au sommet d’une tour du château est descendue et remplacée par un drapeau tricolore. Chaque maison arbore le sien et les jeunes filles portent des cocardes tricolores dans leur chevelure ; même les chiens.
Dans l’après-midi du jeudi 31 août, la poste de Challans avertit son homologue d’Apremont qu’une forte colonne allemande venant de Noirmoutier se dirige vers Apremont. A l’inverse de toutes les autres unités qui empruntent la nationale 148 de Challans à La Roche Sur Yon, un bataillon de 400 à 500 soldats choisit de se dérouter pour des raisons qui, encore aujourd’hui, paraissent obscures. La nouvelle se répand et les drapeaux sont décrochés. Les FFI de la Tuderrière qui, malgré l’ordre de ne pas attaquer une telle troupe, décident de tendre une embuscade à proximité du bourg. L’opportunité se présente vers 17 heures avec la panne de l’un des véhicules d’avant-garde. Un soldat allemand est tué et deux autres sont blessés.
En pleine nuit, furieux, les officiers allemands qui ont placé des canons autour du bourg, se rendent à la mairie-école pour s’entretenir avec le maire, évidemment absent. Ils enfoncent la porte. Absent également l’après-midi, l’instituteur public Amédée Chailloux, qui avait bien enlevé  les drapeaux placés à sa fenêtre mais ils avaient été vus par un détachement de reconnaissance, descend et consent à les guider chez le maire Georges Dorion. Selon leur habitude, les allemands ont commencé à prendre des otages, dont quelques hommes alertés par le bruit et sortis voir ce qu’il se passait.  
Au maire qui, absent la soirée, ignore l’échauffourée et la mort du soldat, les officiers hurlent leur colère et menacent de fusiller toute la population. Soudain un coup de feu retentit, Amédée Chailloux s’écroule, assassiné par un tir dans le dos venant de l’un des allemands. On transporte le corps chez le maire qui, en tant que médecin, constate le décès de l’otage. Amédée Chailloux, né à Falleron, avait 36 ans et était le père de deux enfants. Les allemands diront plus tard que la cause est la présence du drapeau russe à sa fenêtre.
Louis Denis, instituteur privé, caché dans sa maison, laquelle jouxte celle du maire, voyant que les allemands raflent les hommes, décide de s’enfuir par derrière chez lui avec son vélo. Mal lui en prit. Découvert par une patrouille allemande, sa haute taille, son allure fière, son escapade à travers champs, le font considérer comme le chef du maquis d’Apremont. Il est conduit à l’Espérance.  
Le vendredi matin 1er septembre, vers six heures, le maire est escorté à la mairie où un officier supérieur vient d’arriver, le capitaine Heinrich Wilberg, un rhénan qui s’exprime parfaitement en français. Le dialogue, long et pénible face à l’officier qui s’énerve et devient de plus en plus menaçant, se termine par ces mots : « A huit heures, je veux voir toute la population, hommes, femmes et enfants, sur la place, et nous jugerons de ce que nous avons à faire. N’oubliez pas que je peux faire sauter Apremont en dix minutes ».
L’entretien à peine terminé, des salves de mitraillettes auxquelles répondent des coups de feu proviennent du Jaudoin, village situé à la sortie du bourg sur la route de Saint Gilles. C’est une attaque de diversion des maquisards pour faciliter leur fuite.
Le maire et le secrétaire de mairie munis d’un laisser-passer vont de maison en maison pour signifier aux habitants de rester chez eux. Mais déjà, tout le bourg est désert. Tous ceux qui avaient pu s’enfuir sont cachés sur les bords de la Vie ou dans les coteaux environnants.
Tôt le matin, Maurice Gautreau, charpentier, est réquisitionné pour fabriquer le cercueil du soldat allemand dont la sépulture est prévue à 11 heures dans le cimetière communal. Lorsque le corps passe devant la cave des otages, sur les conseils du maire, tous saluent le cercueil.

Augustin Chauvin

Alors que la population est consignée chez elle, Augustin Chauvin, retraité de 73 ans, se rendant à la boulangerie en faisant des gestes, attitude dont il est coutumier, interprétés par les allemands comme des signes à des maquisards, est abattu et martyrisé.
A l’entrée du bourg, les allemands arrêtent et fouillent une camionnette-cochonnière dans laquelle ils trouvent une balle de mitrailleuse oubliée sous un siège. Il s’agit de Marius Allégret, 33 ans, charcutier à Croix de Vie, résistant, qui vient pour récupérer son beau-frère, un membre du réseau. Considéré comme maquisard, il est conduit à l’Espérance.
Tout juste 20 ans, Alexandre Riant qui a vu les allemands passer aux Habites la veille, et malgré des mises en garde, part au bourg d’Apremont chercher du pain. Il est arrêté par la troupe qui le fouille et le trouve porteur d’une douille de balle qu’il a ramassée sur son chemin. Lui aussi classé comme maquisard devient le 18ème otage à l’Espérance.

Cave des otages

Près du café Buet à l’Espérance, les 18 otages, debout, face contre le mur de la cave de l’un d’eux, sous une chaleur accablante, subissent les menaces de leurs gardiens, le bruit des armes et l’annonce de leur fin imminente. Louis Denis les exhorte à la patience et à la prière et le maire Georges Dorion vient les réconforter, leur apporter de la nourriture et de la boisson. Il obtient leur mise à l’ombre dans la cave et leur procure papier et crayon pour un mot d’adieu à leurs proches. C’est au cours de l’une de ces visites, dans l’après-midi, qu’il offre sa vie et celle de sa famille en échange de la libération des otages. Touché, l’officier lui répond que les otages lui seront rendus. Hélas, il ne devait pas tenir sa parole.
L’après-midi, les allemands se livrent au pillage dans les maisons désertes, s’intéressant particulièrement aux caves, puis vers 20 heures, allégé par un convoi d’une douzaine de véhicules venu de La Rochelle, le bataillon quitte Apremont en direction de Maché. Avant de partir, le moulin Caillon-Ferré et la maison du Jaudoin, sous le prétexte que des coups de feu y avaient été tirés, sont minés ; ils exploseront vers 22 heures.
Le temps est calme, la pleine lune éclaire le long convoi de plus d’une centaine de véhicules hétéroclites qui s’étire dans un bruit de roulement métallique : des bicyclettes, des motos, quelques voitures automobiles, des camions et de nombreuses charrettes hippomobiles réquisitionnées chez les agriculteurs noirmoutrins. C’est une troupe nerveuse qui se replie.
La marche est rapide et les plus âgés peinent à suivre. Les otages, confiés à l’adjudant-chef Hans Dammasch, sont bien conscients qu’ils marchent vers la mort, toutefois des libérations s’égrènent selon des critères indéterminés. A Maché, la nouvelle s’étant répandue, les rues sont désertes et les hommes sont cachés dans des haies ou des fermes isolées. A hauteur du cimetière, il ne reste plus que trois hommes, Louis Denis, Alexandre Riant et Marius Allégret ; pour eux le sort est scellé.

Après un kilomètre, vers 23 heures, à hauteur de la Petite Sigonière, Louis Denis, 39 ans, considéré à tort comme le chef des maquisards, est exécuté par une rafale de mitraillette dans la tête et la poitrine. A peine trois cents mètres plus loin, à hauteur de la Burguenière, Alexandre Riant, 20 ans, est abattu d’une balle dans la tête. Trois cent mètres en amont, à hauteur de la Bonde, Marius Allégret, 33 ans, est assassiné de deux balles dans la tête. Puis la troupe de criminels s’installe pour la nuit à la Marchandière et les riverains terrifiés n’osent sortir de chez eux sauf Camille Guyard de la Bonde qui reçoit une balle dans un genou. Ce n’est qu’au petit matin du 2 septembre que Clément Gandemer, ouvrier agricole se rendant à son travail au Bois-Fradin, découvre les scènes de crimes.
Dans la matinée, la troupe reprend la direction de La Rochelle, tuant un homme à La Roche Sur Yon et pillant la banque de France.
Le tribunal militaire de Bordeaux jugera les faits le 7 septembre 1949. Le capitaine Heinrich Wilberg, chef du bataillon et responsable de la tuerie, prisonnier au camp d’Aufrédy à La Rochelle, est décédé à 32 ans, le 13 juillet 1945 à l’hôpital militaire de Poitiers. L’action publique à son encontre est éteinte.
Deux de ses lieutenants Willy Jappe, 36 ans et Christoph Matthiez, 39 ans, introuvables, accusés de destruction volontaire d’édifices publics à l’aide d’explosifs et complicité de vols qualifiés sont condamnés, par contumace, à vingt ans de travaux forcés.
L’adjudant-chef Hans Dammasch, 39 ans, marié, un enfant, monteur installateur, à Bachum (Allemagne) est inculpé de meurtres. Le tribunal, « considérant que l’accusé se trouvait dans la nécessité de commettre les faits qui lui sont reprochés ou de subir de la part de son chef les sanctions les plus graves pouvant aller jusqu’à la peine de mort infligée et exécutée sur le champ » est condamné à cinq ans de travaux forcés.

« Il est utile de pérenniser le souvenir de cet évènement douloureux afin d’éviter que le voile de l’oubli et le brouillard de la mémoire n’accomplissent leurs œuvres au fil de la marche du temps. »
Jean Rolland, maire honoraire de Maché, le 27 octobre 2007, jour de l’inauguration des rues et du square à leurs noms.

 

Guy Chauvin, à partir de différents travaux dont ceux de Henri Laucoin (1927-2017), d’Yves Benoteau (1938-2017) et de Henri Papon (1932-2018).

 

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